lundi 9 février 2015

Réforme de l'éducation nationale et restriction budgétaire


L'éducation nationale, comme tant d'autres domaines, voit arriver une nouvelle réforme. Cette réforme ne fait pas plaisir en plusieurs endroits de la France. En Gironde, si trois zones supplémentaires entrent en REP, il est prévu que six en sortent. Également concernée, l'école Jean Monnet, du quartier de Bordeaux-Lac.
Ce vendredi une manifestation contre cette décision a eue lieu, allant de l'école Jean Monnet jusqu'à l'inspection académique [A]. Des parents d'élèves ont décidé de bloquer l'école à partir de lundi prochain car ils craignent de ne pas être entendus.

la manifestation sur les boulevards

On peut trouver cette décision plutôt étrange voire complétement irrationnelle. En effet les deux autres écoles maternelles toutes proches sont bien en REP, et les collèges voisins de Bordeaux-nord également. Mais l'inspection académique a décidé de rattacher l'école au collège de Bruges qui lui n'est pas en REP, ce qui éjecte d'office l'école Jean Monnet de la REP.
 On a peur d'imaginer là une coupe quasi hasardeuse pour entrer dans les budgets prévus. Le gouvernement nous a pourtant dit que la réforme servait à gommer les inégalités et qu'au ministère on savait que la condition sociale engendrait des disparités dans l'accès aux études supérieures et qu'il fallait veiller à y palier: « La politique d’éducation prioritaire a pour objectif de corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l’action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales. »  [B]

On sait qu'il y a une grande disparité entre les revenus fiscaux moyens de Bruges et ceux des Aubiers, près de 10000€ par foyer par an. [C]
En rouge, le collège de Bruges, en blanc l'école Jean Monnet.

Et comme si ça ne suffisait pas, cette décision est d'autant plus ridicule que le quartier des Aubiers est dans la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville décrétée par Valls et le ministre de la ville au 30 décembre 2014 [1][2].
En haut, au centre le quartier des Aubiers classé prioritaire

A cela, on peut ajouter les 97% d'élèves dont le français n'est pas la langue maternelle, la présence d'une CLIN, (classe d'initiation pour élève non francophone), et le départ après 40 ans de présence du directeur qui a donc connu parfois trois générations d'élèves et qui avait la confiance des parents.

Pour toutes ces raisons, on ne peut comprendre pourquoi enlever l'école Jean Monnet de son statut d'éducation prioritaire, ni pourquoi la rattacher au collège de Bruges, si ce n'est une coupe autant aveugle que ridicule au faux prétexte de mixité sociale mais dont le collège comme référent est loin d'être pertinent et de tenir compte des réalités du terrain.

Le problème fondamentale dans ces réformes, c'est qu'elles s'étudient avec un pistolet sur la tempe; Je ne vais pas entrer dans le détail des changements, d'autres personnes et articles le font déjà très bien. Le problème que je veux soulever est celui-ci. Il faut s'atteler à améliorer l'école et à s'occuper des élèves supplémentaires, avec un budget qui n'en est pas proportionnel. Comment peut-on aujourd'hui sortir des écoles de zones d'éducation prioritaires ? Et bien, tout simplement pour sauver l'euro. Sacré raccourci me direz-vous, alors voyons un peu plus loin.

Il n'a échappé à personne que nous sommes dans un climat de restriction budgétaire. On rogne sur tous les budgets d'un côté et on augmente tous les impôts de l'autre. Tout cela a bien un objectif. Entrer dans les critères que nous demande la commission européenne. D’où viennent ces critères ? Pourquoi existent-ils ?

Pour que l'euro puisse avoir une chance d'être pérenne, l'UE a mis en place, dans le traité de Maastricht, des critères de convergence. Ce sont des mesures qu'il fallait respecter pour intégrer la zone euro, et continuer de respecter par la suite pour que cette zone soit durable. Notons qu'aujourd'hui plus aucun pays ne respecte ces critères (pas même la sacro-sainte exemplaire Allemagne) !
En plus de ces mesures et pour concilier les politiques de chaque pays, la commission européenne adresse chaque année à chaque pays des recommandations qui fixent les grandes orientations de politiques économiques (GOPE). Ces grandes orientations ont le même objectif que les critères de convergences (dit de Maastricht). Il s'agit de donner une direction aux pays afin que tous, chacun de leur côté, se réforment vers une législation identique et ultra-libérale. De manière générale, nos acquis sociaux sont un problème pour ces recommandations, ainsi que les dépenses de l’État et donc les services publics. En lien plus bas, un article plus détaillé sur ces recommandations pour la France pour 2014-2015 [3].

Le gouvernement a promis récemment à Bruxelles qu'il ferait des économies pour 50 milliards d'euro afin de respecter ces recommandations. Mais Bruxelles a estimé que c'est trop peu [4]. Tout est négociation et s'il est une chose qui est évidente, c'est que notre gouvernement ne décide plus de son budget lui-même. la France n'est donc plus un État souverain. Un État non souverain, cela s'appelle une colonie. Et les ordres à la colonie sont une période de restriction budgétaire parce qu'il faut limiter le déficit pour pérenniser l'euro.
Ainsi, on peut largement considérer au vu de ces points que la décision prise concernant l'école Jean Monnet du quartier des Aubiers de Bordeaux-Lac a été prise pour sauver l'euro. Nous sommes arrivé à une situation où l'on se sert d'un peuple (et de ses enfants) comme outil pour sauver une monnaie. Dans une société saine, a contrario, la monnaie est un outil qui doit servir le peuple. On marche sur la tête !
Nos enfants et leur avenir sont donc sacrifiés pour l'euro. C'est moins voyant que pour les Grecs. C'est plus discret que pour les Espagnols. Moins à la une qu'en Italie où les journaux n'ont pas peur de montrer le taux de suicide qui explosent pour raisons économiques. Mais ce n'est pas un raccourci, c'est juste une triste vérité !

Nos enfants ne doivent pas être les victimes ni les variables d'ajustement d'une monnaie dont l’État ne maîtrise pas la politique !

Gian-Luigi Armentano

[A]http://www.sudouest.fr/2015/02/06/bordeaux-colere-a-l-ecole-jean-monnet-1822920-2780.php

[B]http://www.education.gouv.fr/cid187/l-education-prioritaire.html

[C] http://www.kelquartier.com/aquitaine_gironde_commune_bordeaux_33300-c33063/revenu_moyen.html

[1]http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20141231&numTexte=183&pageDebut=23744&pageFin=23771

[2]http://www.ville.gouv.fr/?geographie-prioritaire-de-la

[3]https://www.upr.fr/actualite/europe/les-gope-grandes-orientations-politique-economique-feuille-route-economique-matignon

[4]http://www.lesechos.fr/journal20141120/lec1_monde/0203949473007-budget-bruxelles-devrait-demander-a-paris-de-faire-davantage-deconomies-1066208.php


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